Quand l’excès de compliments dans l’enfance se retourne contre l’adulte

Vouloir stimuler son enfant par des éloges permanents semble bienveillant, mais cette habitude pourrait engendrer des conséquences inattendues. Et si cette survalorisation infantile préparait en réalité des difficultés à l'âge adulte ? Un paradoxe éducatif qui interroge sur les limites de l'encouragement systématique.
L’excès de compliments : un danger pour l’équilibre émotionnel de l’enfant
Dans notre société moderne, les parents ont souvent tendance à couvrir leurs enfants de louanges dès leurs premiers succès, qu’il s’agisse de leurs résultats scolaires ou de leurs activités extrascolaires. Si ces marques d’attention sont bénéfiques pour construire leur assurance, elles peuvent parfois se transformer en véritable piège affectif.
Le Dr Yasmine Liénard, spécialiste en psychiatrie infantile, met en garde contre les conséquences d’une admiration excessive : en faisant de l’enfant le centre constant des éloges, les parents créent sans le vouloir une forme de pression invisible. Comme un athlète qui ne pourrait jamais quitter la première place, le jeune développe alors l’idée qu’il doit sans cesse performer pour mériter l’affection.
Quand la survalorisation engendre anxiété et peur de décevoir
Cette approche éducative, bien que motivée par les meilleures intentions, peut faire de l’enfant un véritable acrobate des émotions. Il se sent obligé de viser la perfection en permanence, comme un trapéziste qui n’aurait pas droit au moindre faux pas. La moindre erreur devient alors source d’angoisse.
Progressivement, l’approbation des autres devient son principal repère. Il recherche constamment la validation de son entourage – parents, professeurs, puis plus tard collaborateurs ou amis. Il intègre que seules les performances exceptionnelles, les apparences flatteuses ou les réussites spectaculaires valent la peine d’être remarquées. La banalité du quotidien, quant à elle, devient source de malaise.
À l’âge adulte : une confiance apparente qui cache des fragilités
Devenu grand, ce besoin constant de reconnaissance peut évoluer vers des traits narcissiques, très éloignés d’une authentique assurance intérieure. Ces adultes donnent l’impression d’une grande confiance en eux, mais s’effondrent au premier signe de critique ou face à l’échec.
Ils supportent mal les contradictions, ont du mal à reconnaître leurs erreurs et fuient toute situation où ils pourraient paraître imparfaits. Comme si leur valeur personnelle dépendait exclusivement de l’image idéale qu’ils renvoient. Pourtant, l’existence est par nature faite d’aléas et d’apprentissages progressifs. L’incapacité à accepter cette réalité génère souvent souffrance et insatisfaction chronique.
Comment bâtir une estime de soi solide : conseils aux parents
Heureusement, des solutions existent. Pour le Dr Liénard, l’essentiel est d’aider l’enfant à s’accepter pleinement, avec ses forces et ses limites. Cela passe par des formulations comme : « Ce qui compte, c’est que tu aies fait de ton mieux », ou encore « Tu as de la valeur, même quand les choses ne se passent pas comme prévu ».
L’idée est de mettre l’accent sur le processus plutôt que sur la performance finale, d’apprendre au jeune que ses émotions, ses tâtonnements et ses imperfections font partie intégrante de sa personne. À l’image d’une mosaïque où chaque fragment, même irrégulier, contribue à la beauté de l’ensemble.
Le juste milieu entre encouragement et réalisme
Dans notre culture occidentale, la réussite est souvent glorifiée : mentions honorables, parcours sans faute, performances exceptionnelles… Mais comme dans une recette culinaire, trop d’un seul élément peut déséquilibrer l’ensemble. Les félicitations sont importantes, mais doivent être dosées avec discernement. Car l’amour véritable ne se mesure pas à la quantité de compliments, mais à la capacité d’accueillir l’enfant dans toute sa complexité.
La vraie force vient de l’acceptation de soi
Au fond, ce dont tout enfant a réellement besoin, ce n’est pas d’être porté aux nues, mais d’être reconnu dans sa globalité. Lui offrir une base affective solide, c’est lui donner les moyens de naviguer dans la vie avec sincérité, sans avoir besoin de porter un masque ou de jouer un rôle. Et cela constitue probablement le legs le plus précieux qu’un parent puisse transmettre.